Jusqu’au milieu du 20ème siècle, l’existence de vérités scientifiques était peu problématique. Les sciences découvraient les secrets de la nature, et leurs résultats étaient donc des vérités.
Puis le doute s’est installé. Les savants des siècles passés se sont trompés. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les scientifiques d’aujourd’hui ? Le savoir scientifique est opératoire puisqu’il nous permet de prédire l’occurrence de phénomènes physiques, mais il ne nous dirait rien sur la « nature des choses ».
Il ne s’agit pas de revenir à une vision naïve de la connaissance scientifique, mais d’accorder les trois propositions suivantes. La connaissance scientifique est une représentation du monde, et non un accès direct à sa réalité. Les connaissances scientifiques de demain ne seront pas celles d’aujourd’hui, et certaines des vérités actuelles se révéleront fausses. Si la connaissance scientifique est opératoire, c’est que la représentation du monde qu’elle propose est adéquate : de toute façon, nous n’avons pas mieux que cette forme de connaissance.
Michel Morange a une double formation de biochimiste et de philosophe. Il est professeur à l’Université Pierre et Marie Curie et à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, dont il dirige le centre Cavaillès d’histoire et de philosophie des sciences. Il s’intéresse spécialement à l’histoire des transformations des sciences de la vie au XXe siècle, ainsi qu’à l’épistémologie spécifique de ces disciplines. Outre de nombreux articles scientifiques, Michel Morange a également consacré un certain nombre d’ouvrages à ces questions, parmi lesquels on peut citer « Histoire de la Biologie Moléculaire » (1994), « La part des gènes » (1998), « La vie expliquée » (2003), « Les secrets du vivant » (2005), « À quoi sert l’histoire des Sciences ? » (2008).